Accueil Culture Rencontre avec Sophie Renaud, directrice de l’Institut français de Tunisie (IFT) : «Au cœur de la ville, au cœur de la vie»

Rencontre avec Sophie Renaud, directrice de l’Institut français de Tunisie (IFT) : «Au cœur de la ville, au cœur de la vie»

Du haut de son observatoire, Sophie Renaud est sur tous les fronts. Avec ses équipes, elle planifie, organise, réajuste, jonglant avec les dates, les possibilités, les disponibilités. C’est que cette rentrée n’est pas comme les autres. Elle se fait dans un contexte compliqué de valses-hésitations, de doutes, d’espoir aussi, de questionnements tout de même. Parti pris affirmé, on rouvrait l’Institut, et reprenait tous les programmes, y compris culturels. Bien sûr, il s’agissait d’être extrêmement vigilants, attentifs sans être alarmistes. 

« Au cœur de la ville, au cœur de la vie », le slogan est celui d’une célèbre chaîne de supermarchés, certes, mais il faut reconnaître que l’on peut aisément le détourner au profit de l’Institut Français depuis qu’il a installé ses espaces et ses activités dans ce cœur battant de la ville européenne. L’endroit est stratégique, à la jonction de différents quartiers, familiers à des générations d’anciens lycéens qui y usèrent leurs fonds de culotte, accessible aisément ……et fort accueillant.

De grands espaces bien distribués, une salle de cinéma, des salles polyvalentes, une cour magnifique, modulable à souhait, et puis bibliothèque, médiathèque, salles de conférences, espace digital, cimaises d’exposition, et last but not least, un restaurant des plus courus.

« Cette session a été baptisée ‘‘Nos Retrouvailles’’, illustrant le désir et le plaisir de retrouver public, artistes et toutes celles et ceux qui ont construit le programme de la maison. Le cinéma, les débats, les réunions dans la cour reprennent, avec un comportement sanitaire contraignant, certes, mais nécessaire. Nous accordons une extrême attention à cela. La responsabilité de chaque citoyen est en jeu. En tant que directrice de l’établissement, je prendrai la parole chaque fois pour un rappel à ces responsabilités. Nous avons instauré des protocoles sanitaires efficients grâce auxquels, d’ailleurs, nous avons pu ouvrir les écoles et l’Institut.»

Alors, bien sûr, on s’interroge et on interroge : quoi de neuf pour cette rentrée ?

« Même si nous ne sommes plus confinés, nous allons vivre, encore, dans une mobilité contrainte. Nous allons, donc, mettre à profit les leçons tirées du confinement. Il faut d’abord se dire que nous avons la chance de vivre dans un pays où les choses ont été relativement maîtrisées. Ce qui nous a permis de reprendre nos activités. D’autres instituts, dans d’autres pays, ont été contraints de mettre la clé sous la porte. Car l’Institut Français est une entreprise qui vit de ses recettes propres. Celles-ci proviennent de ses cours de langue, de Campus France, des entreprises partenaires…. En Tunisie, les choses sont peut-être moins dramatiques qu’ailleurs, mais il y a tout de même la nécessité de reprendre notre rythme de croisière.»

Réflexion faite, cette baisse de moyens se révèle ne pas être forcément une contrainte. Elle permettra à l’Institut Français des retrouvailles, puisque tel est le thème de cette rentrée, avec la scène tunisienne, les artistes tunisiens, la société civile tunisienne.

« Nous avons construit cette rentrée en pensant en permanence à maintenir un parallèle et une complémentarité entre le présentiel et le distanciel. C’est ainsi que nous programmons des projections de films, avec la présence à distance de l’auteur en vidéo conférence, et la possibilité de lui poser des questions. Un peu dans l’esprit de l’émission ‘‘Des / Confinés’’, qui nous a permis de constituer des archives et de garder des traces. »

Des traces qui perdureront et se poursuivront car même si on n’est plus confiné, l’émission qui a remporté un tel succès se poursuivra au rythme de deux fois par semaine, suivant l’actualité littéraire, culturelle et sociale».

Une autre nouveauté qui marquera ces ‘‘Retrouvailles’’ : l’engagement très fort sur la question du développement durable.

« Nous avons lancé, au début de l’été, un appel à projet pour identifier, dans tous les gouvernorats, des initiatives de jeunes autour du développement durable. C’est ainsi que nous avons soutenu un guide du consommateur responsable qui identifie toute entreprise produisant dans le cadre du développement durable. A l’occasion de la sortie de ce guide, nous organiserons, au sein de l’Institut, un marché éphémère pour inviter le public à s’intéresser à ces modes de production. »

En fait, selon Sophie Renaud, là réside la force de l’action de l’Institut Français : celle de toucher tous les publics. L’approche qu’elle préconise est une approche culturelle, inclusive et sociale. On ne parle pas uniquement de livres ou de films. Toute action est identifiée de manière transversale. Toutes les équipes se mêlent pour la construction d’un évènement. Ici, on défend une approche plus large, une programmation protéiforme. Alors, oui, bien sûr, de la musique, de la danse, du théâtre, mais pourquoi pas de l’art culinaire ? On revendique la capacité d’être inclusif sur tous les sujets.

« Un renouveau à signaler, et cela illustre bien le programme protéiforme : la reprise et le plein développement de la galerie IF Tech. Une partie du hall d’accueil s’est transformée en espace d’innovation, avec chaque fois, une scénographie différente. C’est un incubateur où on  reçoit des start-up  désireuses d’expérimenter leurs innovations au milieu d’un public. »

Ce qui n’est pas nouveau, mais s’inscrit dans la continuité, c’est un partenariat fidèle avec les initiatives tunisiennes et les festivals. La difficulté de circulation due au fait de l’épidémie, et les invitations de personnalités étrangères compliquées, font que durant les mois de septembre et octobre, on se tournera davantage vers les forces vives tunisiennes. « Selon une tradition désormais établie, novembre sera numérique. Cependant que décembre sera solidaire. ‘‘Décembre ensemble’’ célèbrera la journée de lutte contre le Sida, accueillera des associations travaillant sur le handicap, souhaitant valoriser leur action, et mettre les personnes à besoins spécifiques au cœur du débat.

Une émission ‘‘Des/ Confinés’’ consacrée aux enfants de la lune avait été reprise et partagée par de nombreuses autres associations internationales, et avait eu grand impact. Grâce au numérique, on peut donner une voix à diverses initiatives : la voix de la Tunisie. 

Pour continuer d’évoquer la programmation, janvier accueillera ‘‘La Nuit des Idées’’.

Nous espérons pouvoir rééditer le magnifique évènement organisé en mars à l’occasion de la Fête de la Femme. : ‘‘Over Fifty’’. Un évènement fort, majestueux, magistral. Une initiative superbe et une belle manière de saluer l’entrepreneuriat féminin. Un projet rassembleur ».

Et puis il y a bien sûr la partie immergée de l’iceberg. Celle qui concerne le travail de coopération entre la France et la Tunisie pour développer le plan extrêmement ambitieux du développement du français : Tunisie Pilote.

« En Tunisie, la demande est immense, et il existe des partenaires privés engagés et désireux de créer des établissements. Aujourd’hui, il existe 12 nouveaux établissements ouverts en Tunisie, homologués par l’Education nationale française, et soumis aux mêmes formations, mêmes critères et mêmes inspections que les établissements français. Ce réseau se développe dans les régions, à la demande des familles, les derniers établissements ayant ouvert à Sfax et à Djerba. »

Parmi les autres actions, peu visibles peut-être, mais d’impact fort, on peut signaler la formation et l’accompagnement des enseignants à la transition numérique. Mais aussi la reconfiguration du Forum Jeunesse en un rendez- vous avec la société civile pour cibler des projets structurants pouvant déclencher des opportunités d’emplois. « Ghodoua », appel à projet, permettra d’identifier un projet par gouvernorat, porté par des jeunes, autour du développement durable : tri sélectif, agriculture écologique, problématique de l’eau, autant de sujets majeurs dont les jeunes sont de plus en plus conscients.

Nous avons une grande chance, avec cette implantation au cœur de la ville, qui nous permet de nous ouvrir à tous les publics. Malgré cette période un peu étrange, les gens ont envie, besoin de retourner aux nourritures culturelles, aussi importantes que les autres. Nous essayons de leur donner les moyens d’assouvir ce besoin.

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